De Belgrade à Sofia.
Sur le damier noir et blanc la matière grise s'agite pour que ne se précipite en cavalier seul le fou sur la pièce favorite.
Le doigt s'enfonce sur sa tempe et les sourcils se froncent dans l'attente d'une virevoltante réplique qui dans son jeu sèmera une lente panique.
Avec la victoire, la fumée de son clope s'envole, sous la table sa jambe d'énervement martèle le sol, sur l'échiquier l'adversaire discrètement rigole.
Sur le perron de l'église, avant que les robes de gala se pavanent, les musiciens fanfarons répètent leurs gammes tsiganes.
C'est à la descente des marches qu'ensemble les cuivres entament leurs mélodies endiablées, aux oreilles de ces dames copieusement maquillées.
Pour eux les applaudissements se font rares, et c'est avec quelques dinars glissés dans leurs pavillons que trompettes et tubas s'en vont, à la recherche de meilleurs pistons.
De Belgrade à Sofia, mes yeux se sont enfuis de l'horizon rendu gris et plat par ces cubes décrépis et ces boulevards infinis dessinés à l'heure d'une histoire aux rancœurs ennemies.
Et mon regard dans les rues ne s'attarde plus que sur ces individus dont les sourires et grimaces en façade font reluire la plus humaine des devantures au milieu de cette fadasse architecture.
Fini les monuments aux marbres attendrissants,
Fini les palaces aux dorures qui de lumière vous embrassent.
J'entreprends donc au passage, une brève cartographie des visages.
À la courbe de ses cils, suivez le delta que sillonnent ses rides, contournez les monts rougeoyant de ses pommettes pour virevolter dans la chute de ses cheveux bouclés, rebondissez dans la vallée douce au creuset de ses seins vous agrippant d'une main à la branche de ses lèvres sèches, reposez vous sur la fine bosse de son nez, élancez vous à cloche pied sur sa peau pavée de grains de beauté, et disparaissez enfin derrière le rideau de ses paupières lourdes.
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